Bussy d'Amboise (George Chapman)

Publié le par Cthulie-la-Mignonne

Ça commençait bien, avec un monologue de Bussy fustigeant les hypocrisies de la Cour et clamant que l'homme n'est que l'ombre d'un rêve (oui, ça sent vaguement son Shakespeare). La suite est moins poétique, et, bon, on va mettre ça sur le compte de mes stupides neurones, mais je n'ai pas très bien saisi en quoi le motif de l'homme qui n'est que l'ombre d'un rêve - et qui revient en fin de pièce - était développé.

 

 

Bussy d'Amboise, le vrai (vous savez peut-être qui il était si vous avez lu Dumas ou vu le feuilleton adapté de son roman dans les années 70), était connu au XVIème siècle pour les ennuis qu'il causait ici ou là dans l'entourage du roi Henri III (de France), ce qui ne fut pas sans conséquence pour lui. Chapman écrit la pièce au début du XVIIème, en 1603 environ, c'est-à-dire à peu une trentaine d'années après la mort de Bussy, et reprend le caractère qu'on connaît au personnage historique, mais en faisant de lui le chantre de la bravoure et de la véritable noblesse, des valeurs à l'ancienne, etc. Ce qui ne l'empêche pas de suivre Monsieur, frère du roi (François, Duc d'Anjou), à la Cour, par besoin de reconnaissance et par ambition. Monsieur, lui, voit en Bussy un bon moyen de se débarrasser du roi et de prendre sa place - nous supposerons qu'il attend de Bussy qu''il assassine Henri III. Or Bussy fait des siennes dès qu'il arrive devant les courtisans, les insultant, se moquant d'eux, les provoquant en duel, draguant leurs femmes. Ce type a carrément zéro sens de la préservation, c'en est incroyable. S'ensuit un duel qui tourne au massacre : cinq morts, avec Bussy comme seul survivant. Je rappelle qu'il vient juste d'arriver à la Cour... S'ensuit encore le pardon assez étonnant de Henri III - mais bon, Chapman nous rappelle allègrement que la Cour de France, c'est n'importe quoi, surtout, surtout comparée à la Cour d'Angleterre) - sur la demande de Monsieur et sous un prétexte assez fallacieux. Sur ce, Bussy devient vite le favori de Henri III, ce qui ne convient pas du tout à Monsieur, ni au Duc de Guise, et par-dessus le marché il couche avec la Comtesse de Monstsoreau. Bousculant sans cesse les habitudes de la Cour, ne cherchant quasiment jamais à mettre de l'eau dans son vin, et restant pourtant au milieu de personnes dont il exècre l'hypocrisie, il se fait tellement d'ennemis que... vous voyez où je veux en venir.

 

 

Alors oui, Chapman a fait le portrait d'un homme qui se veut intransigeant avec les valeurs qui sont les siennes, honnêteté et courage, et dénonce par là l'hypocrisie d'une cour détestable (celle de France, ben tiens). Ce n'est pas le roi Henri III qui est visé, mais bien les courtisans : Montsoreau, jaloux jusqu'à la furie, Guise, haineux au possible, et le très très méchant Monsieur, qui se fiche bien de Bussy alors qu'il l'appelle sans cesse "mon cœur" (est-ce que Macron appelle Castaner ou Pénicaud "Mon cœur" ? Je me suis posé la question, du coup). Cela dit, Bussy fait des entorses à ses propres règles, et pas qu'un peu, et question bravoure, il ne la prouve qu'en provoquant les autres en duel, et éventuellement en les tuant, vu qu'il n'y a pas de guerre en vue où il puisse démontrer sa valeur. Bien.

 

 

Ce qui m'a gênée, c'est le style. Bien qu'il s’agisse là d'une traduction, j'ai trouvé que Chapman en faisait des tonnes, que c'était alambiqué à souhait, avec recours aux allégories et aux métaphores qui peuvent être filées pendant je ne sais combien de vers. C'est long, c'est lourd ! On dirait que les personnages ne savent pratiquement s'exprimer que par ce biais, du genre "La Fortune est un trucmuche qui sert à ceci, mais comme les machins d'Hercule (oui, beaucoup de références mythologiques aussi...), ne tient qu'à un fil qui ressemble à ceci ou encore à cela, et qui fera tomber celui qui..." C'est horripilant. Du coup, on est moyennement captivé par la critique sociale et par le destin de Bussy. Je ne sais si c'est là le style habituel de Chapman, ou s'il a voulu rendre par le langage des personnages l'extrême préciosité de la Cour de France.

 

 

Quant à l'intérêt de Chapman pour l'ésotérisme - il estimait que le poète était un initié, entre autres -, il n'apparaît là que via la pratique de l'occultisme par un religieux. Donc, oui, Chapman nous montre deux monde se chevauchant, celui des démons et des pratiques occultes auquel va faire appel Bussy, et celui de la Cour où hypocrisie et complots sont le lot quotidien. Personne n'en sort très grandi. Mais surtout, quelle déception ! Faire apparaître des démons et des fantômes pour en faire si peu de choses, c'est très frustrant pour les autres. J'aime beaucoup m'imaginer les effets spéciaux que pourrait donner ce genre de scène, mais j'en ai été pour mes frais - comme avec la tête magique de Frère Bacon et Frère Bungay. Mince alors !!!

 

 

 

Publié dans Littérature, Théâtre

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