Un imbécile (Luigi Pirandello)

Publié le par Cthulie-la-Mignonne

Pièce créée en 1922, Un imbécile ou L'imbécile, selon les traductions, est une de ces pièces que Pirandello a adaptées d'une de ses nouvelles. Bien qu'elle soit classée dans l'époque de son "théâtre dans le théâtre", elle n'est en rien apparentée à ce genre. En revanche, elle se présente comme une critique sociale on ne peut plus frontale.

 

 

Tout se déroule en huis-clos dans l'appartement de Leopoldo Paroni, directeur d'un journal local conservateur dans la ville de Costanova. L'appartement fait également office de bureau et de salle de rédaction. Il y règne un désordre et une saleté qui donnent une idée, sinon complètement subtile, du moins claire du tempérament de Paroni, qui se targue d'une certaine supériorité sur ses collègues, et notamment sur les personnes qu'il emploie pour de menus travaux - et pour des nèfles, comme on s'en doute. Sa tendance à l'empathie ne peut donc que susciter l'admiration, ce qu'il démontrera lorsqu'une employée du journal viendra apprendre à l'équipe le suicide d'un ancien collègue, Lulù Pulino, très malade depuis un bon moment. Loin de compatir avec la détresse de cet homme qu'il a pourtant longtemps côtoyé, Paroni le traite d'imbécile, car il n'a pas su faire ce que lui, Paroni, aurait accompli avec panache (du moins le clame-t-il) : se sacrifier en assassinant un dirigeant politique socialiste. C'est que la pièce se déroule sur fond de conflit politique, la petite ville de Cosatanova n'ayant pas supporté que son maire conservateur ait été révoqué - légitimement, semblerait-il. Agitation au dehors, agitation dans la salle de rédaction, et tout cela hors-scène. On entend les dialogues, mais on ne voit pas qui parle, car c'est dans le bureau de Paroni qu'est introduit le lecteur, bureau où est affalé, malade, Luca Fazio, un autre employé miséreux qui est le pendant de Lulù Pulino, et qui entend tout ce qui se dit dans la salle de rédaction. L'affrontement entre Fazio et Paroni est, forcément, inévitable.

 

 

La critique sociale existe sous bien des aspects dans le théâtre de Pirandello, y compris dans son théâtre métaphysique. Ici, l'auteur a pris le parti du réalisme, avec tout ce que cela peut avoir de sordide, mais aussi de juste. C'est une observation sans concession de la société. Avoir choisi le hors-scène pour une grande partie de la pièce renforce à la fois l'identification du lecteur au personnage de Luca Fazio et permet de sentir la tension monter. On s'attend donc à un final fort. On ne l'aura pas, Falzio choisissant d'accomplir un acte qu'il veut radical et qui paraît, c'est dommage, assez naïf et inutile. Pourtant, Pirandello, avec cette pièce sur les inégalités sociales, appuie ici sans détour sur ce qui fait mal. Un imbécile est donc à découvrir, au moins pour lever le voile sur une partie de son théâtre méconnue.

 

 

 

Publié dans Théâtre, Littérature

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