Les amoureux (Carlo Goldoni)

Publié le par Cthulie-la-Mignonne

Moussa Konaté s'est inspiré d'un fait divers de grande ampleur pour sa pièce L'Or du Diable. En 1982, en effet, sous l'effet d'une rumeur grandissante, le Mali connut une véritable ruée vers l'or - qui n'avait aucun fondement. L'auteur a voulu montrer à quel point les pauvres étaient la proie de la moindre illusion, les laissant doublement sur le carreau.

 

 

Et pourtant, Konaté le dit lui-même, les échanges entre les personnages sont emprunts de drôlerie. On y rencontre deux familles qui vivent à Bamako sous un même toit, et dont ils n'arrivent pas à payer le loyer à un propriétaire lui-même guère plus aisé qu'eux. Ladji, assistant de l'imam, et sa femme Korotoumou, qui tente de vendre du beurre de karité au marché, n'arrivent pas à joindre les deux bouts. De même en est-il pour Garaba, mécanicien à qui personne n'apporte de voiture à réparer, et sa femme Oumou . Ladji passe son temps à ronchonner, à morigéner sa famille, à faire la morale à tout le monde - tout en ne se privant pas de manger de temps à autre un morceau de viande en douce quand le reste de la famille mange de la bouillie de mil tous les soirs. Malgré la pauvreté et les disputes incessantes, l'ambiance est bon enfant, et cette première journée - il y en aura quatre qui structureront la pièce - se déroule joyeusement. Puis, petit à petit, l'atmosphère s'alourdit : la rumeur de l'or qu'il suffit de ramasser pour devenir riche a atteint ce petit monde, et Ladji en vient à se bercer de rêves insensés, jusqu'à voir un ange dans son sommeil qui lui assure sa bonne fortune. On s'en doute, aucune des deux familles ne trouvera son compte, et c'est le personnage dont on attendait le moins qui saura trouver de quoi gagner de l'argent - honnêtement qui plus est.

 

 

La pièce est de facture très classique, mais efficace. Si Moussa Konaté a bien voulu décrire le drame de la pauvreté, il a choisi un ton qui tient beaucoup de la comédie - et comme il l'écrit lui-même : "qui pourrait tracer la frontière entre une situation comique et une situation dramatique ?" Les personnages sont bien croqués, à commencer par Ladji qui semble ridicule à vociférer sans cesse, mais dont on a forcément pitié lorsqu'il découvre à quel point il s'est laissé bercer par de douces illusions. Ainsi les dialogues glissent de passes d'armes familiales drôles et rythmées, à des lamentations reflétant l'impasse dans laquelle semblent coincés les personnages. Une satire douce-amère, mêlant humour et drame, jusqu'à une conclusion quelque peu dérangeante. Car si Balla, le fils de Ladji et Korotoumou, redonne de l'espoir à ses parents ainsi qu'à Garaba et Oumou, les deux chefs de famille vont désormais opter pour des comportements douteux afin de mieux gagner leur vie... et exploiter la pauvreté des autres.

Publié dans Théâtre, Littérature

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