Le massacre des innocents (Maurice Maeterlinck)

Publié le par Cthulie-la-Mignonne

Ce texte, originellement écrit et publié en 1886, a connu deux versions. Il marque aussi le tout début de la carrière de Maeterlinck.

 

 

Le titre évoque évidemment le passage du Nouveau Testament qu'on trouve dans l'Évangile de Matthieu, mais le récit se rattache en fait aux révoltes qui secouèrent les Pays-Bas espagnols aux XVème et XVIème siècles, jusqu'à l'indépendance des Provinces-Unies de 1579. L'influence de Maeterlinck ne vient pas de la Bible, mais du tableau de 1565 de Pieter Bruegel, qui devint d'autant plus d'actualité après l'intervention du duc d'Albe en 1567 - gouverneur des Pays-Bas espagnols - et les massacres qui en résultèrent.

 

 

D’ailleurs, il est impossible de s'y tromper ; si le nom de Bethléem est bien cité, les soldats qui entrent dans le village et massacrent la totalité des enfants, plus quelques adultes, sont désignés comme des Espagnols. Le texte fait donc bien référence à l'histoire des Pays-Bas. Mais ce récit allait devenir problématique dans un contexte différent.

 

 

En effet, le texte qu'on peut lire en général aujourd'hui est une version publiée en 1916 à Paris dans un recueil intitulé Débris de la guerre ; le début du Massacre des innocents a alors été supprimé. C'est que l'histoire commençait à l'origine avec une partie consacrée à des paysans flamands tuant des soldats espagnols, sans doute par vengeance. La suite, donc le texte de 1916, montrait donc une expédition punitive de Espagnols - ce qui n'enlevait rien à l'horreur du massacre. Or en 1916, en pleine Première Guerre mondiale et occupation allemande de la Belgique et de la France - Maeterlinck s'étant réfugié aux Pays-Bas -, le texte original posait un gros problème. Des hommes qu'on appelait "francs-tireurs" tuaient des soldats allemands, ce qui était souvent suivi d'expéditions punitives allemandes. Dans ce contexte, Le Massacre des innocents dans son entier semblait y faire directement référence, et Maeterlinck a jugé que mieux ne valait pas jouer avec le feu. D'où la première phrase étrange du texte de 1916, qui n'a pas été retouchée et semble sortie de nulle part : "Le lendemain, on l'enterra, et il n'y eut plus d'événements extraordinaires à Bethléem cette semaine-là."

 

 

Pour ce qui est de la qualité littéraire, il s'agit d'un texte de jeunesse, et, comme l'a dit Maeterlinck, il relevait surtout de l'exercice puisqu'il s'agissait de transposer à l'écrit le tableau de Bruegel. Mais aussi, bien entendu, de dénoncer les horreurs commises dans les Pays-Bas espagnols, et bien encore davantage les horreurs de la guerre en général.

 

 

Villiers de L'Isle-Adam lut le texte et conseilla à Maeterlinck de travailler un style et une voie qui lui seraient propres - "l'étude des âmes". Le Massacre des innocents n'est en effet pas un mauvais texte, mais il ne recèle rien de très spécifique, si ce n'est qu'on peut y repérer, déjà, les motifs qui seront bientôt la marque de Maeterlinck dans son théâtre symboliste : sacrifice, martyre, cruauté, mort.

Publié dans Littérature

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article