Le somnambule (Gao Xingjian)

Publié le par Cthulie-la-Mignonne

Je viens tout juste de terminer cette pièce, et, une fois n'est pas coutume, je me me précipite pour écrire la critique. D'habitude, j'aime bien laisser un peu décanter, mais je sens qu'aujourd'hui, si je laisse traîner les choses, je n'écrirai jamais rien.

 

 

Je me frotte rarement au théâtre le plus récent, je suis toujours un peu méfiante - souvenez-vous, j'ai subi un gros traumatisme en bossant pour un festival de théâtre contemporain, justement en 1995, l'année où la pièce Le somnambule a été publiée... Et elle n'est malheureusement pas faite pour me rassurer.

 

 

Dans un train, on découvre plusieurs personnages, qui n'ont pas payé leur billet, excepté celui appelé "Un voyageur". J'imagine qu'il y a là un message - on va voir que tous ces gens représentent des marginaux de la société, même si leur absence de billet en est l'unique reflet tant qu'ils sont dans le train. Très vite, on va basculer dans ce que Gao Xingjian présente comme un cauchemar. On s'attendrait à des allers-retours entre le train et le monde du cauchemar, il n'en sera rien. Chacune des personnes du train va trouver son avatar dans le monde du cauchemar : le voyageur qui a payé son billet sera le fameux somnambule du titre, et les autres, différents marginaux : un sans-abri, un noctambule, une prostituée, un "mec" (qui semble tremper dans la criminalité, sans qu'on sache trop dans quoi exactement).

 

 

Tout se passe la nuit dans des rues éclairées par une lumière verdâtre. On ne sait pas ce que le somnambule fait là, lui-même ne le sait pas. Peu à peu, il va être entraîné dans une spirale dont il ne peut s'extirper, qui semble le mener au crime - voire à plusieurs crimes. Sauf que, je le rappelle, nous sommes dans un monde de cauchemar. Le personnage principal est en fait amené à tout un questionnement introspectif. Là-dessus, Gao Xingjian est très clair, puisqu'il a précisé dans ses indications pour la mise en scène qu'il ne fallait pas lire cette pièce comme relevant du théâtre de l'absurde, mais bien comme une pièce psychologique. Même sans ces précisions, c'est relativement clair, le somnambule ne fait pas spécialement dans la dentelle dans ses monologues, ni dans ses dialogues avec les autres personnages. Il se pose des questions sur son identité, sur sa conscience, sa moralité, ses désirs. Ça en devient même un peu gros au dernier et troisième acte, où j'ai commencé à m'ennuyer ferme.

 

 

Au-delà de l'introspection du personnage principal, il est aussi question de la société et de la marginalité, ainsi que des rapports hommes/femmes (un leitmotiv chez l'auteur, si j'en crois ce que j'ai lu sur lui). Mais à vrai dire, sur ces sujets-là, je n'ai pas vraiment saisi où Gao Xingjian voulait véritablement en venir. Est-ce qu'il n'a pas cherché à mêler trop de sujets, les uns se délitant en se frottant aux autres ?

 

 

Autre chose : le somnambule parle quasiment toujours de lui à la seconde personne du singulier, probablement pour instaurer une espèce de distanciation dont je ne vois pas trop l'intérêt. Ce qui rend ses monologues un peu pénibles. À vrai dire, je redoute fort ce genre de monologues sur scène. Gao Xingjian aimerait que les acteurs jouent naturellement, mais je dirais qu'avec un texte pareil, c'est tout de même pas gagné... Et de façon générale, je n'ai pas trouvé que la forme théâtrale était bien adaptée au sujet, en tout cas traité ainsi. Même le coté glauque du décor - très minimaliste - se fait oublier à cause du texte.

 

 

Bref, je ne suis pas convaincue par cette pièce, c'est le moins qu'on puisse dire. En 1995, David Lynch n'avait pas encore réalisé Lost Highway, Mulholland Drive et Inland Empire. Si vous êtes à l'affût d’œuvres qui vous emmènent dans les méandres de la psyché humaine, et notamment de sa noirceur, je vous dirais d'aller bien plutôt de ce côté-là, et de laisser tomber Le somnambule, qui ne me semble pas pousser très loin sa démarche. Mais je pense aussi aux frères Coen et à des tas d'autres artistes, tous médias confondus, qui se sont attaqués au même genre de sujet avec davantage de profondeur. Ah oui, tenez, il y a Le Golem de Meyrinck, aussi. Et la littérature gothique. Sans parler de Kafka, évidemment. Enfin bref, vous avez le choix !

 

 

 

Publié dans Littérature, Théâtre

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