La Tombe (H.P. Lovecraft)

Publié le par Stéphanie MAYADE

Nouvelle écrite en 1917, alors que Lovecraft était âgé 27 ans, mais publiée seulement en 1922, La Tombe retient l'intérêt essentiellement parce qu'elle marque le début du style lovecratfien. C'est une des ses toutes premières nouvelles ; auparavant, il y eut par exemple La Bête dans la caverne, où la jeunesse de l'auteur se révélait très sensible (il devait avoir 14-15 ans), et L'alchimiste, pas très intéressante.

 

 

L'amateur de Lovecraft trouvera et reconnaîtra en revanche dans La Tombe certains motifs et procédés de narration qui lui sont déjà familiers. La nouvelle n'est pas mauvaise en elle-même, elle se lit bien, mais elle s'annonce clairement comme l'amorce d'un talent potentiel qui ne demande qu'à mûrir et à atteindre son apogée.

 

 

L'incipit, notamment, ressemble apparemment beaucoup à d'autres : un narrateur dans un asile, qui va raconter une histoire que son entourage juge démente. Sauf que... Sauf que jamais, et c'est un des rares cas dans les nouvelles lovecraftiennes, ce narrateur n'est terrifié, ni ne se considère comme fou. Au contraire, il estime que la plupart des gens ne font que regarder le monde avec une vision trop étroite, et que lui, différent du commun des mortels, est capable de voir au-delà du monde sensible. Ce qui m'a rappelé, probablement de façon inopinée, le Fox Mulder de X-Files, tandis que mon mec m'assure que le narrateur est beaucoup plus proche des discours du Major Briggs de Twin Peaks (X-Files, Twin Peaks, on reste dans le même ordre d'idées, cela dit). Et Philip K. Dick n'aurait sans doute pas renié cette capacité de voir à travers "le voile de l'empirisme banal" que s'arroge notre narrateur, Jervas Dudley.

 

 

Jervas Dudley va donc nous faire la relation d'une expérience personnelle peu banale : jeune homme solitaire de 21 ans, il a découvert un caveau dans les bois, situé sur les terres d'un château qui fut détruit par un incendie plusieurs siècles auparavant. Ce caveau l’attire irrésistiblement sans qu'il puisse y entrer, et il va comprendre qu'il lui est nécessaire d'attendre d'être initié, de mûrir, pour pouvoir accéder aux tombeaux du caveau. Une fois cette initiation (pas vraiment décrite, il s'agit surtout d'attendre le bon moment) arrivée à son terme, il entre et découvre une tombe en particulier, qui recèle des informations spécifiques que Jervas cache au lecteur (mais que le lecteur, perspicace, aura devinées) et prend l'habitude de venir y dormir chaque nuit. S'ensuivent un comportement de plus en plus étrange, jusqu'à l'apparition d'une crise impressionnante.

 

 

On retrouve un aspect autobiographique dans le portrait du jeune Jervas (solitude, goût de l'érudition), ainsi qu'un style qui sent encore les influences des "maîtres" de Lovecraft (on cite tout le temps Poe, et il l'a lui-même beaucoup cité, mais il y 'en a d'autres). Surtout, c'est une histoire qui manie déjà des éléments qui apparaîtront à l'envi dans les nouvelles suivantes de Lovecraft, comme la moisissure, l'aspect gluant de l'escalier, la puanteur. Mais aussi l'attirance irrésistible d'un jeune homme pour tout ce qui touche à l'occultisme (pensons par exemple à la nouvelle Le Molosse) et qui pourtant s'en est défié le plus longtemps possible - contrairement aux personnages du Molosse, justement, ou d'autres du même genre. Et, évidemment, il y a cette terrible malédiction d'une lignée qui sera le sujet d'autres textes.

 

 

La Tombe, qui vaut le coup d’œil, se révèle donc avant tout un moyen pour comprendre l'évolution de l'écriture de Lovecraft ; d'où l'intérêt de lire ses œuvres dans l’ordre d'écriture. Pour le développement du potentiel littéraire, on ira s'attarder évidemment sur les manifestation plus riches des éléments que contient La Tombe, et par conséquent sur L'affaire Charles Dexter Ward et, surtout, surtout, Les Rats dans les murs.

Publié dans Littérature

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