Les précieuses ridicules (Molière)

Publié le par Stéphanie M.

Deux gros soucis en ce qui me concerne à propos des Précieuses ridicules. La pièce est décevante, à cause d'une composition réalisée à la va-vite - du moins c'est ce qu'il semble. Et je ne vois carrément pas l'intérêt du sujet, qui m'énerve d'ailleurs énormément. Je vais bien sûr m'expliquer sur ces deux points.
 


Les Précieuses ridicules, une des premières pièces de Molière, fait partie de ces petites compositions en un acte fabriquées et destinées à compléter le programme plus ambitieux que sa troupe affichait, comme les autres troupes rivales, avec, entre autres, le répertoire de Corneille, de Rotrou, de Scudéry, etc., etc. Ces petites pièces avaient pour but de se démarquer, justement, du programme des autres troupes. Arrivé à Paris, Molière compte deux pièces en cinq actes à son actif : L'Étourdi et Le Dépit amoureux. Il engage alors en 1659 Jodelet, comédien célébrissime spécialisé dans les rôles de valet se travestissant en maître, comptant sur l'aura de ce dernier pour attirer la foule. Ratage. Qu'à cela ne tienne, Molière a plus d'un tour dans son sac : il va donc utiliser Jodelet dans le rôle qui lui est habituel, Molière jouant lui-même son comparse Mascarille, valet également déguisé en maître, pour insérer ces deux personnages dans ce que Georges Forestier appelle une pochade, c'est-à-dire une petite pièce en un acte, plaisante et drôle, qui a tout pour satisfaire les personnes qui fréquentent les salons, qu'on appelle galants, et qui constituent le public de Molière.

 

 

C'est là que le bât blesse. Cette comédie vise, non pas les galants fréquentant les salons, mais ceux qui cherchent à leur ressembler mais qui n'ont ni les codes, ni les références, ni l'entregent pour faire partie de cette petite élite qui pratique largement l'entre-soi. Certes, on ne peut nier que la pièce soit drôle par moments. La naïveté des deux "fausses" galantes, Magdelon et Cathos, deux jeunes provinciales (il est bien connu encore aujourd'hui, et les media nous le serinent à longueur de temps, que les Provinciaux, constituant la majorité de la population française, sont des imbéciles qui ne sauraient se comparer aux Parisiens), les amène en effet à prononcer force inepties. Mais on s'aperçoit, au fur et à mesure du déroulé de la pièce, que les moqueries de Molière relèvent davantage de la méchanceté et du mépris pour des personnes qui, ma foi, pêchent par ignorance, multiplient effectivement les fautes de savoir-vivre, mais n'ont surtout jamais eu la chance d'être introduites dans les milieux comme il faut, accompagnées dans l'art de la galanterie, et se réfèrent - et c'est plutôt attendrissant les concernant - à des romans comme références ultimes. Certes, et c'est pourquoi nous ne pleurerons malgré tout pas trop sur elles, elles aussi se montrent méprisantes envers des personnes qui, selon leurs critères, ne méritent pas leur intérêt ; on peut donc ma foi rire de leurs bourdes parce qu'elles ne se montrent pas plus généreuses que les véritables galants. Mais quel excès d’élitisme détestable et de parisianisme insupportable ! Et, surtout, je ne vois pas le moindre intérêt à traiter ce sujet, si ce n’est, pour l'auteur, de flatter un public qui pouvait lui rapporter gros (ce qui s'est d'ailleurs confirmé).

 

 

Et la composition, la composition ! Je l'ai dit, ce fut une pièce vite emballée, mise en œuvre pour pallier certains problèmes de la troupe, et on peut comprendre qu'elle recèle par là certains défauts. Le rythme est un peu lent au début, mais on rit assez rapidement et la pièce s'emballe avec l’arrivée de Jodelet, le clou étant, à la scène IX, l'impromptu (un poème) qu'il déclame, d'une nullité rare, et commenté en sus par ses soins avec une finesse d'analyse toute particulière. Là, disons-le, c'est franchement drôle. L'arrivée de Mascarille par la suite tend à rendre le rythme déjà moins trépidant. Puis, à la scène XIII, c'est le drame : l'arrivée de Du Croisy et de La Grange tombe comme un cheveu sur la soupe, c'est mal amené, et malgré les explications (pas claires du tout, il faut bien l'admettre) du stratagème de La Grange à la scène I, on ne comprend pas grand-chose à ce qu'il se passe, sinon que les deux "vrais" galants ont décidé de dévoiler l'identité des deux valets, Jodelet et Mascarille, qui se faisaient passer pour des nobles auprès de Magdelon et Cathos. On comprend mal pourquoi La Grange et Du Croisy surgissent chez les jeunes filles comme deux diables de leur boîte, pour disparaître aussitôt, puis pour réapparaître avec la même célérité. Ça n'a strictement aucun sens. Quant à la fin, elle est bien vite expédiée, si bien qu'on en reste sur les fesses : tout ça pour ça ? Sans compter la morale de l'histoire, qui, si j'ai bien compris (mais peut-être que je surinterprète), voue Magdelon et Cathos au couvent pour l'éternité... Moralité : soyez bien nés et riches, et si ce n'est pas le cas, n’essayez surtout pas de vous hausser à la hauteur de l'élite : vous seriez ridicules.

 

 

Publié dans Littérature, Théâtre

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