L'École du Louvre à Dijon

Publié le par Cthulie-la-Mignonne

L'École du Louvre à Dijon

Située dans le Palais du Louvre, pile en face du musée des Arts décoratifs, cette prestigieuse institution qu'est l’École du Louvre a été fondée en 1882, avec pour but la formation des conservateurs, des "missionnaires" et des "fouilleurs". En 1920, l'enseignement s'élargit et s'ouvre à l'histoire de l'art. Aujourd’hui, on y dispense des cours d'archéologie, d'histoire de l'art- les plus connus – mais aussi d'épigraphie, d'histoire des civilisations, d'anthropologie et de muséologie. L'accès n'en est pas aisé, puisqu'il faut déjà réussir un test probatoire d'une difficulté certaine pour être admis en premier cycle.

 

Si l’École accueille également depuis toujours des auditeurs (c’est-à-dire des personnes qui assistent aux cours sans passer les diplômes, donc sans avoir le statut d'étudiant), on assiste à une véritable démocratisation de son enseignement avec l'ouverture en 1921 de cours du soir destinés aux salariés. En 1952 apparaissent les cours d'été. Enfin, en 1978, l’École cesse, si je puis dire, de se regarder le nombril, et ouvre ses cours pour auditeurs à la province. Enfin, pas à toute la province : seules sont alors concernées les villes d'Angers, Bordeaux, Lyon, Nancy et Rouen. Vous remarquerez donc que les très grandes villes ne sont pas les seules à être concernées. Aujourd'hui, on peut s'inscrire comme auditeur dans une bonne vingtaine de villes : 24, très exactement. Cela va de Marseille à Limoges en passant par Dijon. Et c'est ce qu'on appelle aujourd'hui les "cours en région".

 

Implantation et évolution de l’École du Louvre à Dijon

 

Les cours pour auditeurs s'implantent donc en 1993 dans la capitale bourguignonne suite à la volonté de la Ville de Dijon et du musée des beaux-arts, alors dirigé par Emmanuel Starcky, lui-même diplômé... de l’École du Louvre. Ils ont lieu au centre-ville dans une salle qui peut alors accueillir une centaine de personnes et proposent un programme constitué de deux cycles de six ou sept cours chacun, dont l'un sur la Chartreuse de Champmol dispensé par Sophie Jugie (qui deviendra à son tour directrice du musée en 2004). L'autre cours concernait les grandes collections d'Europe et voyait intervenir différents spécialistes de la question. Une des spécificité de l'époque consistait en la possibilité d'assister aux cours soit le vendredi soir, soit le samedi matin, ce qui n'est plus possible aujourd'hui. Ce fut un véritable succès puisqu'il a alors fallu refuser des inscriptions.

 

Fidèle à sa mission pédagogique, l’École du Louvre demande à la Ville de Dijon, après quelques années, de trouver un lieu qui soit en mesure d'accueillir un plus grand nombre d'auditeurs. Les cours se déplacent donc sur le campus universitaire. Mais si les amphithéâtres permettent effectivement d'accueillir un public plus nombreux, les inscriptions ne sont pas en hausse pour autant. Et, si l'on touche davantage un public étudiant (encore que...), on perd un peu en cohérence, puisque le lien avec le musée des beaux-arts n'est plus vraiment perceptible. Or, ce lien se trouve être justement très précieux aux yeux de l'équipe de conservation du musée.

 

Enfin, en 2009 prend fin la restauration de l'église Saint-Étienne qui, rebaptisée "La Nef", accueille désormais la bibliothèque pour adultes du centre mais aussi, ce qui est moins connu, l'administration, le pôle documentaire, la conservation et le service des publics du musée des beaux-arts, ainsi que la Société des Amis des Musées de Dijon. Une salle de conférences de 180 places est installée au sous-sol : voilà donc une occasion inespérée pour réimplanter les cours de l’École du Louvre au centre-ville, à deux minutes à pied du musée et dans des locaux dédiés à celui-ci : le lien est enfin recréé.

 

Un public à diversifier

 

Aujourd'hui le musée des beaux-arts de Dijon dispose d'un service culturel et Sylvia Cointot-Bertin, médiatrice, a pris en charge l’organisation des cours. Si l’École du Louvre a repris en main la paperasse (j'entends par là : les inscriptions), charge à Sylvia et à son équipe de communiquer sur les cours et de diversifier le public. Car on est à Dijon sur une problématique finalement assez courante dans les villes de province, à savoir la quasi main-mise sur les cours de l’École du Louvre par un certain type d'auditeurs, à la fois retraités de l’Éducation nationale et adhérents des Amis des musées. Je schématise à peine... Si bien que lorsque vous êtes âgé, comme moi, d'une quarantaine d'années, vous passez là-bas pour une jeunesse (ce qui n'est, ma foi, pas forcément désagréable) !
 

Pourtant, Sylvia et son équipe travaillent activement à l’ouverture des cours à un plus large public. Du côté des étudiants, chou blanc. Mais il reste les actifs, et c'est bien là que réside, selon l’École, le gros du potentiel inexploité (ou peu exploité) de Dijon, qui y met pourtant du sien. Contrairement à Montpellier, qui constitue certes une exception en optant pour une programmation de ses cours en début d'après-midi, et choisit donc de ne les ouvrir qu'aux retraités. Sylvia s'est donc demandé si un autre jour que le vendredi était préférable pour attirer les actifs : il s'avère que le vendredi soir reste bien l'idéal. De même, elle a travaillé sur un éventuel assouplissement des horaires, avec un décalage éventuel des cours de 18h30 à 19h, par exemple. "Parce que je vois bien que c'est souvent la course pour les gens qui travaillent", me dit-elle. Là, grosse difficulté, puisque le cours dure une heure trente et que le dernier train pour Paris (dont sont pratiquement toujours originaires les conférenciers) part à 20h40. Et qu'il est très rare qu'un conférencier souhaite dormir sur place. Donc, nous en restons au vendredi soir à 18h30. Mais l'équipe ne baisse pas les bras pour autant !

 

Un public avec ses petites habitudes

 

Si les cours de l’École du Louvre sont en principe destinés à tous, ils ont un prix : 8€ la séance à plein tarif, 5€ à tarif réduit (pour les demandeurs d'emploi et les étudiants, notamment), ce qui revient donc à 48€ ou 30€ le cycle de six cours. Et qui peut expliquer, selon Sylvia Cointot-Bertin, le manque d'intérêt du public pour des cycles plus longs, donc plus coûteux. D'autant qu'un cycle long suppose également un engagement sur toute l'année, pas toujours possible ou pas toujours souhaité par les auditeurs en régions. "Des cours à la belle saison, ça n'est pas possible. D'ailleurs dès qu'il commence à faire beau, je vois bien que les rangs commencent à s'espacer" ajoute-t-elle en souriant. Donc, inutile de songer à programmer des cours après le mois d'avril. Mais il reste de la marge, puisqu'aujourd'hui les cours débutent souvent en janvier-février. On pourrait donc imaginer deux cycles, comme aux débuts, l'un à l'automne, l'autre débutant en hiver. "Mais c'est comme partout, les gens préfèrent picorer plutôt que de s'engager sur la durée" dit encore Sylvia. Étonnant lorsque l'on songe que, ma foi, s'il ne faut pas être un spécialiste pour assister aux cours de l’École du Louvre, cela n'en demande pas moins un intérêt certain pour l'histoire de l'art, ainsi que quelques prérequis. On n'a tout de même pas affaire à des cours d'initiation. Le public se montre du reste très attentif, voire studieux, il prend souvent des notes : les cours de l’École du Louvre, c'est du sérieux ! Mais pas question pour la plupart de trop traîner. La fin du cours, c'est 19h30, et ça commence parfois sérieusement à râler si un conférencier prend un peu de retard.

 

Et que veut donc ce public, au juste ? De quoi a-t-il envie ? À la fin de chaque cycle, un questionnaire est envoyé aux auditeurs afin de réaliser un bilan de l'année écoulée. Chacun peut donc, entre autres choses, inscrire trois thèmes qu'il ou elle souhaiterait voir abordé lors d'un prochain cycle. À lire les questionnaires une fois remplis, on voit bien que l'on reste sur des propositions de thèmes très sages, comme l'histoire de l'art générale ou les grands courants de la peinture (la Renaissance italienne étant particulièrement prisée). Pas tellement d'intérêt notable pour la sculpture, les arts décoratifs, les civilisations extra-européennes ou l'archéologie Quant à l'art contemporain, ce n'est clairement pas un sujet de cours plébiscité par les auditeurs. Vu le profil de la majorité des auditeurs, rien de très étonnant à ça : à l’École du Louvre comme dans les activités des Amis des musées, on aime à rester dans un certain confort et l'on ne souhaite guère être bousculé. Ce qui est un peu dommage...

 

Un enjeu : créer du lien entre le musée des beaux-arts et les cours de l’École du Louvre

 

Comme je l'écrivais plus haut, faire le lien entre le musée et les cours de l’École est un point essentiel, et particulièrement important pour l'équipe de conservation, qui souhaite que les cours se rattachent aux collections. Non pas dans le sens où ils devraient systématiquement traiter desdites collections, non. Mais il n'est pas envisageable, par exemple, de consacrer un cycle à des aspects ou a des mouvements de l'histoire de l'art qui seraient complètement absents des collections du musée. Quant à savoir si ce souhait rejoint celui du public, c'est une question qu'on est en droit de se poser. Nous reviendrons donc un peu sur le sujet dans la prochaine chronique, consacrée à un (charmant) couple d'auditeurs. Toujours est-il qu'on peut considérer comme légitime l'envie d'amener ou de ramener le public au musée par l'intermédiaire des cours de l’École du Louvre.

 

Sylvia Cointot-Bertin demande donc régulièrement aux conférenciers de s'intéresser à des artistes ou à des œuvres présentes dans les collections du musée. Malheureusement, c'est rarement suivi d'effet. En 2011, par exemple, le musée proposait une exposition sur Bertholle, artiste ayant travaillé sur l'abstraction aussi bien que sur la figuration. Et le sujet des cours cette année-là concernait justement l'abstraction et la figuration au XXème siècle. Sylvia avait donc fait passer au conférencier de la documentation sur Bertholle, souhaitant qu'un lien se crée entre l'exposition et les cours. Cela ne s'est finalement pas ressenti dans les interventions. Bon. D'un autre côté, le conférencier en question avait pris la peine de visiter la collection d'art moderne (il faut bien l'avouer, assez pauvre) du musée et il a été longuement question, lors d'un cours, en particulier, de Fautrier, dont le tableau L'homme ouvert est présent dans la Donation Granville. Donc, l'un dans l'autre, le musée n'était pas perdant. Et puis, comme le note Sylvia Cointot-Bertin, on ne peut guère reprocher aux conférenciers et conférencières de ne pas avoir envie de remodeler le contenu de leurs cours en fonction des demandes du musée, alors qu'il sont souvent également doctorants et cumulent les fonctions de chargés de cours et de chargés de travaux dirigés devant les œuvres, jonglant avec les contrats précaires.

 

La solution adoptée consistera donc probablement désormais en une intervention gratuite proposée par l'équipe du musée en début de cycle, comme cela s'était produit en 2012. Les cours d’Éva Bouillo sur le néoclassicisme et le romantisme, au demeurant excellents, n'intégraient alors aucune référence aux œuvres détenues par le musée des beaux-arts. Mais une sorte de prologue au cycle avait été programmé en janvier, sous la forme d'une intervention consacrée à l'école de dessin de Dijon. De surcroît, le thème de l'année prochaine concernera l'architecture des musées. Or le musée des beaux-arts de Dijon est le seul, avec le Louvre, à "habiter" un palais. Le lien entre cours de l’École du Louvre et le musée des beaux-arts ne devrait donc pas être trop difficile à établir en 2015...

Publié dans Vie culturelle

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