Yayoi Kusama- Centre Pompidou

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Kusama - Soul under the moon (01)

 

Je suis partagée entre plusieurs sentiments à propos de cette rétrospective de Yayoi Kusama au Centre Pompidou. Ai-je aimé, n'ai-je pas aimé ? A première vue, j'en suis plutôt revenue déçue et très agacée. Mais je suis bien consciente que c'est surtout le verbiage pompeux des textes concoctés par le musée qui m'ont prodigieusement énervée, au point de me gâcher l'exposition. Du coup, j'ai envisagé d'y retourner pour une seconde visite en faisant complètement abstraction des textes en question, mais, faute de temps, ça s'est révélé impossible. Je conserve donc de cette rétrospective une impression de doux-amer.

Ce qu'on peut relever à coup sûr, c'est que Yayoi Kusama a exploré beaucoup de facettes de l'art. Elle a commencé par une peinture de type surréaliste (assez influencée par Miro, d'ailleurs), elle s'est attaquée aux monochromes, elle a travaillé en séries, elle a utilisé des objets de rebus pour travailler la sculpture et - surtout - elle est allée plus loin que beaucoup d'artistes avec ses installations. Qui sont bien plus que des installations, en fait. Un des problèmes que j'ai rencontrés pour apprécier certaines de ses oeuvres, c'est mon manque de références en art contemporain ; je l'ai particulièrement et cruellement ressenti devant les monochromes. Etant incapable de resituer le travail de Kusama, ne connaissant quasiment rien aux artistes et aux oeuvres qui ont compté dans ce domaine, j'étais bien incapable de comprendre - et, pour le coup, d'apprécier - ce que je voyais. Quant aux séries d'objets domestiques hérissés de phallus, si j'en saisis (ou si je crois en saisir) la symbolique, leur vue m'a rappelé immanquablement (comme à tout le monde, je pense) Louise Bourgeois et laissé un léger goût de déjà-vu. Mais là encore, je n'aurais su préciser si Yayoi Kusama s'était montrée précurseur (existe-t-il un féminin à "précurseur" ?) en la matière. Je regrette que les commissaires d'exposition se soient montrés aussi soucieux de faire les malins avec leurs insupportables textes et n'aient pas privilégié une approche plus "pédagogique" de l'oeuvre d'une artiste qui, je pense, n'est pas connue du grand public (je me rends d'ailleurs compte que j'ai ressenti à peu près l'inverse à l'exposition sur Munch).

 

Kusama - Dots Obsession (01)



En revanche, je me suis indubitablement retrouvée sous l'emprise des "environnements". Ce que Yayoi Kusama appelle des environnements, ce sont (plus ou moins) des installations complètement immersives, des espaces où le visiteur entre et se fond complètement. Dans les environnements de Kusama, on devient une partie de l'oeuvre - et, en cela, son travail est non seulement novateur mais exceptionnel. S'il y a bien une chose qui m'a souvent semblé frustrante dans le rapport qu'on peut entretenir avec les oeuvres d'art, c'est l'impossiblité d'aller au-delà de la contemplation, voire de l'analyse : on est, la plupart du temps, confronté à une barrière qui nous relègue au statut de spectateur. Fluxus, entre autres, s'était heurté à cette limite et même  les installations n'ont pas aboli cette frontière, ou ne l'abolissent que rarement. J'avais beaucoup aimé l'installation After the dream de Chiharu Shiota, justement à cause de ce sentiment de pouvoir pénétrer dans l'univers onirique de l'artiste (univers qui devenait un peu le nôtre) qu'elle provoquait, mais  Kusama va plus loin. Ici, il est important de préciser que la légende veut que Yayoi Kusama, lorqu'elle était enfant, ait soudain vu, alors qu'elle était à table, les fleurs rouges de la nappe se multiplier sur le plafond, les murs, le sol, et, enfin, sur elle-même. Ses environnements en sont la prolongation ; la première oeuvre avec laquelle nous sommes d'ailleurs confrontés dans cette rétrospective est une résurgence directe de cette expérience infantile (si elle a bien eu lieu) : une salle à manger plongée dans la pénombre et recouverte de pois de couleurs. Deux autres environnements sont également présents, l'un qui nous plonge dans un univers complètement hallucinatoire, où notre reflet déformé nous est sans cesse renvoyé, l'autre qui nous précipite en plein cosmos. Malheureusement, le Centre Pompidou a réservé un sort assez funeste à ces environnements, qui apparaissent comme très étriqués - ce qui va complètement à l'encontre de ce que recherche Yayoi Kusama. Et voilà que je viens d'apprendre que j'aurais pu les découvrir dans des conditions bien meilleures, puisqu'en 2001, une exposition entièrement consacrée aux environnements de Yayoi Kusama a été présentée au Consortium. A Dijon. A 10 mn de chez moi. Stéphanie, pauvre idiote...

 

Kusama I m here but nothing (01)

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