Paris, Delhi, Bombay - Centre Pompidou

Publié le par Cthulie-la-Mignonne

Paris - Delhi - Bombay


Il ya des jours où tout est moche, moche, moche. Le jour où je me suis ennuyée à mourir à l'exposition sur l'épée (cf. mon précédent article ici) , je suis aussi allée voir Paris – Delhi – Bombay. Bien mal m'en a pris, car je m'y suis également copieusement emmerdée. Ce qui ne m'a pas empêchée (et je reconnais que ça peut paraître étrange) d'y retourner. Je tiens à préciser que, si on ne m'y a pas contrainte au sens strict, je n'ai effectué cette seconde visite que parce que j'accompagnais des gens - je ne suis pas entièrement masochiste - et il faut bien reconnaître que l'effet en a été plutôt bénéfique (enfin, si je veux être exacte, il faut préciser que parmi les deux personnes qui étaient avec moi, l'une est entrée avec enthousiasme dans l'espace d'exposition, tandis que j'y ai quasiment traîné l'autre de force). De là à conclure que Paris – Delhi – Bombay a fini par me plaire, il y a une marge.

Bref, pour entrer sans plus tarder dans le vif du sujet, je dirais qu'à vouloir monter des expos grand public, le Centre Pompidou finit par prendre ledit public pour une grosse cruche. Par conséquent, on a décidé, à l'aide d'un petit hall d'accueil pour touristes dégénérés, de nous expliquer en quoi consistait la société indienne d'aujourd'hui en cinq partie (ou quatre, ou six, je ne sais plus), qui correspondent à autant de sections dans l'exposition. Problème : brutale surcharge cognitive dès l'accès à cet "espace documentaire" aux murs orange vif (car qui dit "indien" dit forcément "kitsch", c'est bien connu), où les informations fusent de toutes parts sous formes de textes, d'images, de sons… C'est donc dans un état semi-nauséeux qu'il faut s'obliger à continuer le parcours. Parcours fléché s'il en est, qui traite, à travers les œuvres exposées, de différents thèmes sociaux relatifs à l'Inde contemporaine, et, plus spécifiquement, de la place de la femme et des problèmes environnementaux. Et, puisque le quotient intellectuel du visiteur lambda avoisine zéro – du moins, c'est ce que j'en ai déduit – chaque œuvre est pourvue d'un cartel qui explique consciencieusement ce que chacun doit comprendre. Il est vrai que, par exemple, devant un mur de déchets informatiques, il est nécessaire qu'un texte vienne appuyer le propos de l'auteur, sans quoi il serait évidemment impossible de deviner qu'il est question de développement économique et de rapport à l'environnement. Voilà, l'ensemble de l'exposition est dans ce ton-là, avec mention spéciale aux artistes français.

En effet, sous prétexte de renouer avec les grandes expositions telles Paris-New-York ou Paris-Moscou, le Centre Pompidou a voulu instaurer un ersatz de dialogue entre la France et l'Inde, en invitant des artistes français à participer. Pour ce faire, on leur a proposé d'aller passer une quinzaine de jours en Inde – voyage que certains ont refusé. Ce qui ne change pas grand-chose à l'affaire, d'ailleurs, puisque la plupart d'entre eux, que ce soit via un documentaire terriblement ennuyeux sur les hijras (Kader Attia) ou à travers des clichés (au sens figuré) monstrueusement kitsch (Pierre et Gilles) n'ont pas grand-chose à dire de l'Inde. La palme est remportée haut la main par Stéphane Calais avec Inde au noir, série de toiles en noir et blanc représentant des fleurs. Plus une espèce de chose noire et ronde suspendue au plafond, que j'ai personnellement prise pour une grosse boule de polystyrène (c'est vraiment très très moche). Signification de l'ensemble (et là je reproduis le cartel au mot près) : "Stéphane Calais choisit de parler de l'Inde avec distance" (ce qui veut dire qu'il n'y est pas allé). Désolée pour cette interruption… Suite du cartel : "Dans de grands dessins à l'encre de Chine, il marie en une forme de syncrétisme son goût des fleurs à celui d'un style très graphique. En Inde, les fleurs sont omniprésentes : on les retrouve partout, en particulier sous la forme d'offrandes aux dieux. Un ballon de basket noir, suspendu au plafond par un fil de fer, vient déranger la paix des dessins. Il fait référence à la secte des Thug qui pratiquaient en Inde, du XIIIe au XIXe siècle, le meurtre par étranglement des voyageurs qu'ils volaient". Est-ce à dire que les Thugs étranglaient leurs victimes à l'aide d'un ballon de basket ??? Curieuse méthode… Mais continuons (et finissons-en, d'ailleurs) : "Cette association brutale du ballon noir et des dessins rend le point de vue de l'œuvre éminemment politique". Et je vous fais grâce des propos éminemment pompeux de l'artiste. Argh. Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaargggggghhhh.

Cela posé (ah, voilà que je parle comme un conférencier, quelle horreur), restent quelques œuvres qui se détachent du lot, notamment Think Left, Think Right, Think Low, Think High (Hema Upadhyay), reproduction miniature du bidonville de Dharavi sur deux parois verticales interminables, la vidéo hypnotique The Bragdon Pavilion (Loris Gréaud), qui rappelle les mandalas, celle très poétique, façon lanterne magique, de Nalini Malani et intitulée Remembering Mad Meg (en référence à Brueghel). Ou encore Freedom is everything (Sakshi Gupta), tapis de dentelle métallique et, pourquoi pas, le très curieux et très morbide Silence (Noces de sang) d'Anita Dube. Dommage que le Centre Pompidou ait voulu donner à tout prix – quitte à enfiler de très gros sabots – une tonalité sociologique à l'ensemble, comme si les auteurs des œuvres présentées, sous prétexte d'être Indiens (pour ceux d'entre eux qui le sont, bien entendu), devaient obligatoirement délivrer un message politique – et caricatural – sur l'Inde contemporaine.

Publié dans Arts plastiques

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