L'ombre du vent (Carlos Ruiz Zafón)

Publié le par Stéphanie M.

Un enfant emmené en secret par son père dans un lieu appelé Le cimetière des livres oubliés, l'adoption d'un livre unique auquel on prête allégeance pour la vie, la recherche d'un auteur disparu... Mystère, ambiance intrigante, suspens, ésotérisme... Voilà ce que nous promettait Zafón avec L'ombre du vent. Et je dois bien avouer que ça marche pendant un bon moment. Certes, quelques couacs s'insèrent ici et là. On se fiche un peu que Daniel, le héros, l'enfant que l'on verra devenir un jeune adulte pendant la guerre civile à Barcelone, s'amourache d'une jeune femme au physique aguicheur mais dont le personnage ne sert pas à grand-chose - oui, oui, ce sont les premiers émois de Daniel, mais franchement, nous, on veut connaître l'histoire du livre et de son auteur Julián Carax, pas les fantasmes d'un ado qui veut se taper une fille de dix ans de plus que lui. Ensuite, que Daniel refile le livre auquel il est censé être lié pour la vie à cette fameuse beauté, c'est énorme. Un peu comme si Gollum refilait l'anneau unique à la première gobeline qui lui fasse du gringue, quoi... Et puis des faits graves, comme le viol collectif en prison d'un voisin de Daniel, sont un peu traités par-dessus la jambe. Oh oui, tout ça est bien terrible, mais enfin au bout de deux jours on n'y pense plus trop, parce que bon, on a quand même une histoire en route, histoire qui n'a d'ailleurs pas beaucoup avancé, soit-dit en passant. La faute à Daniel, d'ailleurs, qui passe son temps à fantasmer sur toutes les belles filles avec de beaux nichons qui lui passent sous le nez. Donc forcément, avec tout ça, l'affaire Julián Carax - notre grande affaire - s'éternise.
 


Quand Daniel se décide enfin à reprendre son enquête, en revanche, nous voilà repris dans les filets d'une intrigue que les personnages cherchent à reconstituer comme un puzzle. Et ça, ça marche. Sauf que j'ai l'impression que Zafón ne savait plus comment se sortir de ce puzzle. Résultat : un peu avant la fin, on a la révélation, d'un coup d'un seul, de toute l'histoire, sur une petite centaine de pages. Toute cette histoire qu'on essayait tout comme les personnages de recomposer patiemment. Sans compter que le coup du twist à la Darth Vader, ben c'est plus trop une nouveauté.
 


Je passe sur le fait que le père de Daniel est un personnage complètement sous-exploité, que toutes les filles qui font craquer Daniel sont des clones (on se croirait presque chez Philip K. Dick) au buste parfait (je ne sais pas si c'est l'auteur ou le traducteur qui a fait preuve de pudibonderie, mais c'est un fait que le terme "buste" est largement préféré a celui de "seins" - alors qu'il est bien connu que les ados pensent plutôt en termes de "nichons", mais je dis ça, je dis rien), et, surtout, que l'aspect ésotérique du Cimetière des livres oubliés tombe complètement à plat.
 


Je l'avoue pourtant, malgré tous les défauts qui s'accumulaient de plus en plus sur la fin, j'ai espéré longtemps, très longtemps, que Zafón nous réservait une surprise, qu'il avait concocté pour ses lecteurs une dernière astuce qui ferait de cette histoire une mise en abyme, une enquête qui n'était que fantasme d'un écrivain qui serait le héros de son roman. Rien de tout ça, malheureusement, mais une fin rose bonbon qui tire un trait sur tous les malheurs accumulés et évoqués au cours du roman.
 


Reste un roman à énigme qui se lit plutôt bien pendant les 4/5èmes du livre, qui distille une certaine ambiance, même si elle n'est ni assez angoissante ni assez prégnante à mon goût, et qui traîne malheureusement en longueur.
 


PS : Et y'a de ces coquilles ! On va pas me faire croire que Grasset n'a pas les moyens de se payer une armée de correcteurs.

 



 

Publié dans Littérature

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