Monsieur chasse ! (Georges Feydeau)

Publié le par Stéphanie

Après Tailleur pour dames et Chat en poche, me voilà partie pour un troisième Feydeau ; une pause s'imposera nécessairement par la suite. Quoi qu'il en soit, ce fut la meilleure expérience de lecture de cette "trilogie".

Nous n'allons pas passer des heures sur la mécanique bien huilée de cette pièce, car vous connaissez la chanson: c'est la marque de Feydeau, et Monsieur chasse ! ne fait pas exception à la règle. Ici, dès la première scène, nous sommes confrontés aux efforts de Moricet pour convaincre Léontine Duchotel de tromper son mari (qui est aussi le meilleur ami de Moricet, rien que ça) avec lui. Tous les arguments y passent, sans que Léontine ne cède d'un pouce. Mais voilà que Léontine découvre par hasard, alors que son mari lui dit partir à la chasse tous les week-ends avec un autre de ses amis, Cassagne, qu'il n'a pas vu le fameux Cassagne depuis des mois. Elle suppute naturellement un adultère et décide qu'elle a pour mission de se venger en trompant son mari avec Moricet. Évidemment, l'hôtel où Moricet lui a donné rendez-vous est également le lieu des amours illicites de Duchotel. Sans compter que c'est la femme de Cassagne qui est la maîtresse de Duchotel, et que Cassage, justement, est sur la piste de sa femme qu'il souhaite surprendre en flagrant délit. Pour compliquer un peu les choses, surgit au même endroit le neveu des Duchotel, venu retrouver sa maîtresse - qui a déménagé et dont la chambre est occupée par Moricet.

Bon, l'adultère en milieu bourgeois étant un motif récurrent dans le théâtre de Feydeau, ce n'est pas précisément ce qui va différencier cette pièce des autres. En revanche, on peut observer l'utilisation permanente d'une rhétorique de mauvaise foi chez les personnages, qui trouvent à justifier leur comportement de la façon la plus incroyable et la plus hypocrite. De même, on verra jusqu’au commissaire de police se comporter de façon extrêmement stricte (sinon efficace), lorsqu'il s'agit d'arrêter l'amant de Mme Cassagne, mais faire preuve d'une indulgence extraordinaire à l'endroit de Moricet et Léontine (qui ne consommeront jamais l'adultère, mais ça, le commissaire ne le sait pas). Quant aux personnages de Léontine et de Duchotel, ils vont tour à tour faire preuve d'une rouerie, dont ils usent sans vergogne, et d'une naïveté qui confine à l'idiotie. Ce qui les amènera finalement à accepter de s'enfermer dans un mariage basé sur l'hypocrisie et les malentendus, et dont on imagine qu'il ne sera guère encombré d'une fidélité mutuelle, puisque probablement très temporaire...

Autre caractéristique : l'amitié masculine, qui en prend un sacré coup dans l'aile. Entre le mépris que Duchotel entretient pour l’œuvre littéraire de Moricet, le projet de Moricet qui consiste à coucher avec la femme de Duchotel, et, comble de la manipulation, l'utilisation de Cassagne par Duchotel comme alibi alors qu'il se donne tous les week-ends du bon temps avec, justement, Mme Cassagne... on peut en conclure que c'est dans ces relations de soi-disant amitié, bien plus encore qu'au sein du couple, qu'éclate l'hypocrisie la plus féroce.

Des trois pièces de Feydeau que j'ai donc récemment lues, c'est résolument celle-ci que j'ai trouvé la plus caustique et la plus drôle. Car, au milieu des quiproquos et imbroglios habituels du genre, l'auteur a glissé quelques fantaisies bien placées... que je ne dévoilerai pas.

Publié dans Littérature, Théâtre

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