De la maladie (Virginia Woolf)

Publié le par Stéphanie MAYADE

Je suis un peu sur les fesses de découvrir ce texte après tout le bien que j'en ai lu et entendu. Si le sujet me paraissait d'emblée à la fois orignal, universel, intéressant, il me semble que les différentes critiques et analyses qu'on en a tirées en donnent une idée assez fausse. J'en ressors très déçue et il me semble qu'il s'agit là d'un cas de surestimation flagrante d'un texte auquel on ne saurait trouver aucun défaut parce que son auteure serait en quelque sorte intouchable.
 


Et pourtant... Et pourtant ce thème de la maladie - pas celui de la maladie grave, du type cancer, mais de la maladie habituellement bénigne, du type grippe, qui touche tout le monde -, est effectivement presque absent de la littérature. De mémoire, à part Proust et Banana Yoshimoto, ainsi que, peut-être, des livres pour enfants que j'ai lu il y a fort longtemps et dont je ne garde que des souvenirs très flous, j'ai peu lu d’auteurs qui s'y consacraient. Il me semble que Viriginia Woolf a donc mis le doigt sur quelque chose d'essentiel et que chacun est en mesure de partager : ce bouleversement de la pensée qui s'effectue lorsqu'on est malade, amoindri, alité. Cette particularité que possède la maladie de bousculer notre vision du monde, de notre entourage, d'à peu près tout, en fait. "Il devrait exister, nous disons-nous, des romans consacrés à la grippe et des épopées à la typhoïde, des odes à la pneumonie et des poèmes lyriques à la rage de dents.", nous dit l'auteure.
 


Or, si Virginia Woolf s'intéresse, au sortir d'une grippe (me suis-je laissé dire) à ce qu'on peut bien appeler un manquement de la littérature, elle ne va pas beaucoup plus loin. Peu importe que son texte soit court. Il insiste sur cette étrange omission pour ensuite ne s'intéresser qu'à quelques particularités de la maladie, à savoir sa capacité à nous faire voir le ciel, les fleurs, bref, la nature, différemment, à nous faire sentir que le monde mène sa petite vie sans nous, et qu'il continuera sans nous - la maladie serait l'occasion de provoquer un état méditatif. Sauf que, pour être confronté à cette vision nouvelle de la nature (et à condition qu'on n'y ait vraiment jamais réfléchi auparavant, ce qui suppose d'être franchement très autocentré), il faut pouvoir contempler depuis son lit de douleur ledit ciel et lesdites fleurs. En gros, il faut disposer d'une chambre d'où l'on puisse contempler tout ça, ce qui n'est le cas de pratiquement personne - aujourd'hui comme hier, tout le monde ne vit pas dans l'aisance financière de Virginia Woolf. En revanche, tout le monde tombe malade. Suis-je trop prosaïque ? C'est que, d'une part, la maladie l'est, et, d'autre part, quelle déception de constater que, pour aborder un sujet qui nous concerne tous, l'auteure utilise un argument on ne peut moins universel. Parler de la fièvre, des bouleversements qu’elle provoque dans la pensée, s'attarder sur la faiblesse qu'engendre le moindre état grippal et nous fait éprouver la moindre tâche habituelle comme un effort monumental, voilà qui donnait, me semble-t-il, davantage à réfléchir.
 


D'efforts, il est pourtant bien question, lorsque Woolf aborde la question de la lecture, qui peut devenir épuisante - ou tout aussi bien se révéler à nous, par le truchement de l'état amoindri que provoque la maladie. Mais ne voilà-t-il pas qu'elle se met proprement à délirer pendant plusieurs pages sur je ne sais quel roman anglais, durant lesquelles elle nous en livre le résumé pour une raison qui m'échappe complètement. Si la première partie du texte fut écrite au sortir d'une maladie, celle-ci semble bien avoir été écrite sous l'emprise de la fièvre...
 


On en retirera tout de même que Virginia Woolf fut un des rares auteurs à s'être intéressée clairement à la question de la maladie, de ses sensations et des bouleversements de la pensée qu'elle ordonne. Elle donne à réfléchir à la question, ce qui n'est déjà pas si mal. On s’arrêtera également sur la forme particulière de ce texte, qui relève de l'essai, de l'autobiographie, et même peut-être, d'un nouveau genre. Et ce, bien avant Barthes et La chambre claire.

 

 

Publié dans Littérature, Essai

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