Cuisine et dépendances (Jean-Pierre Bacri / Agnès Jaoui)

Publié le par Cthulie-la-Mignonne

Cuisine et dépendances, c'est un peu la pièce jumelle d'Un air de famille, composée cinq ans plus tard. Mêmes auteurs, Jean-Pierre Bacri et Agnès Jaoui, mêmes types de personnages, et ça tape là où ça fait mal. S'il y est question en partie de famille, pour le coup, ce sont surtout les relations amicales qui sont au cœur de la pièce. Des relations qui vont révéler leurs failles et se déliter bien comme il faut en une seule soirée.

 

 

Jacques, Georges, Charlotte et son mari (dont le prénom ne sera jamais prononcé et qu'on ne verra jamais) ont été de grands amis de jeunesse. Enfin, tout dépend du point de vue... Dix ans qu'ils ne se sont plus vus, jusqu'à ce qu'une rencontre inopinée pousse Marie, la femme de Jacques, à inviter le "grand homme" (journaliste, écrivain, et je ne sais plus quoi d'autre ; bref, c'est une sorte de célébrité) et son épouse Charlotte à dîner. Et les voilà tout excités de recevoir un pareil hôte chez eux, et de mettre les petits plats dans les grands, et de se comporter non pas comme des amis mais comme des groupies. Là encore, on ne verra aucun échange entre "le grand homme" et ses anciens amis. Car tout se déroule dans la cuisine, avec des allers-retours incessants, et des dialogues qui vont peu à peu dévoiler tout ce qui fermentait dans ce petit groupe.

 

 

Georges, qui vit temporairement chez Jacques et Marie, est considéré comme le chieur de service (bon, vous avez deviné, c'est Bacri qui tenait le rôle au théâtre dès la création). Fred (joué par Daroussin), le frère de Marie, joueur de poker légèrement imprudent, légèrement tapeur, se traîne une image de gamin insouciant et irréfléchi, pas tout à fait fausse, mais dans laquelle l'ont limité son beau-frère et sa sœur. Marilyn, la copine de Fred (qu'on ne verra jamais non plus), n'est qu'un beau cul aux yeux de Jacques. On voit déjà que, tout comme dans les relations familiales, les relations d'amitié sont faussées par des clichés, et que Marie comme Jacques ne cherchent pas tellement à aller plus loin que ça. Ils sont bien trop occupés à essayer de paraître sous leur meilleur jour devant le mari de Charlotte (qui se fout complètement d'eux) - Charlotte, à laquelle ils s'intéressent vaguement en début de soirée, mais seulement parce qu'elle amène une célébrité dans leur salon.

 

 

Derrière ces allers et venues, ces échanges à la va-vite constamment interrompus, les tensions sont palpables et font peu à peu surface, uniquement par le jeu des dialogues et de cette mise en scène composée de coupures. Déjà, Bacri et Jaoui avaient l'œil pour déceler dans la vie ordinaire tout ce qui fait mal et qui ne se dit pas... sauf quand on atteint un niveau de non-dits qui n'est plus supportable, et que l'amitié n'est plus qu'une convenance qui n'a plus de sens (ainsi que, accessoirement, les relations frère et sœur). On reconnaît facilement des situations qu'on a soi-même vécu et on peut être facilement touché par les émotions étouffées qui émergent, y compris chez les personnages les moins sympathiques. C'est drôle et amer à la fois. C'est très drôle. Et au final, c'est très amer... comme parfois l'est la vie.

 

 

 

Publié dans Théâtre, Littérature

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